C'est personnel, Citations, Faut que ça change

Le plus beau voyage

En ce jour de la Saint-Jean-Baptiste, Fête nationale du Québec, un mot sur une chanson qui m’habite, me hante, me fait vibrer. Le plus beau voyage, de Claude Gauthier. Un pan de notre identité, un morceau d’anthologie et une parcelle de notre avenir.

C’est plus fort que moi. Je ne peux m’empêcher cette tournure de phrase étrange: je suis cette chanson. Je la suis et je l’est un peu davantage avec chaque écoute.

Et je l’écoute souvent ces temps-ci. Curieuse, amoureuse d’histoire et de chanson, consommatrice à l’ancienne qui achète encore des biens culturels d’ici et leurs supports physiques, je me suis procuré l’album 75 ans, 75 chansons pour souligner l’anniversaire de Radio-Canada; c’est ce qui joue en boucle dans la chambre de bébé quand j’allaite, en pleine nuit. Ces chansons dressent non seulement un portrait culturel, socio-politique et historique adéquat du Québec, mais elles font le tour du jardin musical à merveille (il n’est jamais trop tôt pour commencer l’éducation de fiston!). Ah, et leurs musiques accompagnent magiquement ces moments où l’ambiance doit demeurer feutrée.

Toujours est-il qu’à chaque écoute, les paroles, la musique et le ton en crescendo, l’esprit même de cette pièce souvent qualifiée de coup de génie de Claude Gauthier, me font vibrer au plus profond de moi, font vibrer mon âme même. Je n’exagère pas. Pourquoi?

Parce que, comme le bonheur n’est pas une destination mais un chemin de vie, une philosophie, le plus beau voyage, c’est la route que l’on emprunte et le sol que l’on foule de ses pas toute une vie durant. La route que j’emprunte est celle de mon peuple que décrit cette chanson grandiose et toute la poésie de sa prose; je suis cette chanson, chacun de ses sons, du plus clair au plus profond.

« La route que j’emprunte ». Je ne peux pas honnêtement me permettre d’écrire « la route que j’ai choisie » parce que je crois que c’est elle qui m’a choisie. Certes, garder le cap sur cette voie est une décision consciente, un choix personnel, mais l’appel est venu d’au-delà de moi, d’au loin, là-bas, par-delà les vallons qui dessinent l’horizon vers lequel mène la route. Toutte est dans toutte.

Peut-être que l’atterrissage compte plus que tout, parce que c’est là qu’on s’éclate la figure ou pas. Peut-être que la route que l’on emprunte dans la vie est tracée d’avance, mais je crois davantage au constructivisme qu’au déterminisme; ainsi, peut-être y a-t-il simplement quelques tracés suggérés que nous sommes libres d’emprunter ou non. Au final, chacun d’entre nous est responsable de ses actions, de ses décisions, de ses bons coups et de ses erreurs. Chacun d’entre nous trace son chemin et prédit sa fin au quotidien.

Je ne suis pas prête à rester les bras croisés. M’élancer est risqué, mais j’ai déjà fait le premier pas en choisissant d’écrire, de décrire, de dire, de crier, de décrier. « Les bottines doivent suivre les babines », comme on dit. L’action politique est simple et peut sans difficulté commencer par des choix de consommation.

On me cassera les oreilles avec l’argument écologique de l’absence de support physique au bien culturel (chansons sur iTunes, livres numériques, etc.), je n’achète pas. Je continuerai d’acheter des biens culturels québécois avec fierté, d’y engouffrer une partie de mes paies et d’accorder à nos créateurs la fierté et les encouragements qu’ils méritent, autant sur le plan économique que culturel et politique.

Parce que l’identité de mon peuple y est transmise, partagée, dévoilée, valorisée. Parce que je suis ce peuple, son histoire et son avenir; et que j’ai besoin de lui pour vivre, chaque jour, à chaque respiration; et qu’il m’inspire, et qu’il me fait grandir; et que j’aspire à être à la hauteur de ses attentes, de ses aspirations et de ses désirs.

Peu importe comment cette histoire d’amour se finira, peu importent les obstacles sur la route, c’est dans la droiture, l’authenticité et le partage que chacun de mes pas se posera devant le précédent, c’est en m’efforçant de communiquer cette fierté à mes amis, mes proches, mes concitoyens que je vivrai. C’est ça, le plus beau voyage.

Le plus beau voyage

Paroles de Claude Gauthier, musique de Yvan Ouellet et Claude Gauthier

J’ai refait le plus beau voyage
De mon enfance à aujourd’hui
Sans un adieu, sans un bagage,
Sans un regret ou nostalgie

J’ai revu mes appartenances,
Mes trente-trois ans et la vie
Et c’est de toutes mes partances
Le plus heureux flash de ma vie!

Je suis de lacs et de rivières
Je suis de gibier, de poissons
Je suis de roches et de poussières
Je ne suis pas des grandes moissons
Je suis de sucre et d’eau d’érable
De Pater Noster, de Credo

Je suis de dix enfants à table
Je suis de janvier sous zéro

Je suis d’Amérique et de France
Je suis de chômage et d’exil
Je suis d’octobre et d’espérance
Je suis une race en péril
Je suis prévu pour l’an deux mille
Je suis notre libération
Comme des millions de gens fragiles
À des promesses d’élection
Je suis l’énergie qui s’empile
D’Ungava à Manicouagan

Je suis Québec mort ou vivant!

C’est le plus beau voyage. Mais j’ai hâte d’arriver, que notre nation et notre peuple y arrivent, en un seul morceau.

Bonne Saint-Jean-Baptiste à toutes et à tous! Oui, ce qui est devenu notre Fête nationale souligne la fête de notre saint patron, Jean le Baptiste, ne l’oublions pas. Je me souviens… Pis toutte.

4 réflexions sur “Le plus beau voyage”

  1. Je suis en retard pour lire votre beau texte. Je suis venu ici par hasard. Des gens comme vous notre pays en a besoin. Merci!

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