Sans maquillage. True colors. Et sans clickbait.

À l’occasion de la remise du prix Femmes de mérite 2015 de la Fondation du Y des Femmes de Montréal, où j’accompagnais ma patronne Anne-Marie Chagnon, récipiendaire dans la catégorie Entrepreneuriat, j’ai rencontré les deux jeunes femmes à l’origine de #mardisansmaquillage. En me procurant deux de leurs macarons à message inspirant, « Sois confiante » et « Les maîtres d’école sont les jardiniers de l’intelligence humaine », je me suis fait la réflexion que pour moi ce n’est pas mardi sans maquillage, mais plutôt ma vie sans maquillage! En effet, je n’en porte plus au quotidien depuis plusieurs années et maintenant en de très rares occasions. Je crois même que je n’en portais pas ce soir-là.

L’idée de changer le nom du blogue à Ma vie sans maquillage a germé de cette belle rencontre et de ma réaction à chaud. Je passe ma vie sans maquillage. Je la vis de la sorte en fait. Ne serait-ce pas là bien meilleur angle pour écrire et relater ma vie? Voilà bien de quoi il s’agit. Dans l’état où je suis, il y a encore des jours où je n’arrive pas à prendre une douche. Imaginez écrire ou procéder à une refonte complète du blogue! Je prends maintenant le temps de rédiger ces quelques lignes. C’est un début. Alors allons-y comme ça. Allons-y doucement.

J’ai un mari extraordinaire et les deux plus beaux garçons du monde. Chéri (tendre moitié depuis près de 12 ans), le Renard (6 ans et demi) et le Tigre (2 ans et demi) comblent bibi, disons Maman Ourse, de bonheur. Sauf que… la vie, la vie. Et sans maquillage. 😉

Dans ma vie en ce moment il y a une dépression majeure déclenchée par un épisode avancé d’épuisement professionnel. Il y a la première année du Renard à l’école et la promotion de Chéri; il y a un BébéTigre allergique et souffrant très souvent de maux insignifiants; il y a donc des psychologues, des allergologues et une fantastique médecin de famille. Aujourd’hui, ma vie est sans produits laitiers, sans œufs, sans moutarde et sans arachides. Pourtant, ma vie est souvent soupe au lait ou boudin noir, parfois elle est gâteau au chocolat ou tomates écrapoues.

Ma vie se passe beaucoup dans ma cuisine. Dans ma cuisine, il y a des gens! Des gens aimants que j’aime à la folie. Je suis bénie d’être entourée de personnes exceptionnelles — de la garderie à l’école, du milieu professionnel aux amis, avec une mention spéciale à nos familles. Les gens impliqués dans les associations, services publics et communautaires, commerces locaux, m’apparaissent aussi comme des êtres authentiques et vrais, généreux et engagés. Du bon monde! Ah, les gens… 

Dans ma vie, il y a des couleurs. Du rouge pompier au vert camion poubelle en passant par le jaune soleil, le mauve ecchymose, le brun caca, le bleu ciel et l’arc-en-ciel des émotions. Tout n’est pas beau, mais tout n’est pas laid. Rien n’est blanc ou noir. Tout est gris sale, teinte d’amour. Poivre et sel, comme mes cheveux sans teinture de fin trentaine.

Dans ma vie, il n’y a pas de drames. Je touche du bois et j’en remercie la Providence chaque jour. Il y a de grandes crises, des furies de minis, des chicanes d’adultes, des remises en question, des froids avec des potes et des vides à combler, il y a des doutes et des redoutes. Il y a aussi et surtout la confiance, le respect, beaucoup d’amour, l’ouverture, l’empathie, l’entraide, la générosité, l’effort et la volonté de grandir comme personnes.

Dans ma vie, arrivée à bout de souffle, j’ai choisi la pleine conscience (1). En pas de bébés, mais au quotidien. Méditer, prendre le temps d’arrêter, prendre le temps de respirer. Marcher. Rêver. Attendre. Être, maintenant et dans l’instant. Vivre des émotions fortes et apprendre à les gérer. Apprécier les vraies couleurs du monde qui m’entoure, c’est découvrir une nouvelle manière de percevoir l’univers et y trouver ma place.

Accepter. Sans résistance. M’accepter. Sans maquillage.

À l’heure d’Instagram et de Snapchat, j’ai pensé y aller avec un « Sans filtre » genre #nofilter pour la tendance et le clickbait. Il est vrai que je manque parfois de filtre quand je m’exprime! Et je vis définitivement ma vie de la sorte aussi. Le concept du maquillage me parle toutefois davantage, intuitivement, instinctivement, jusqu’à son ancrage ancestral millénaire. Le maquillage est expression de force, peinture de guerre, costume de fête, représentation d’une identité nationale, outil de transformation personnelle, art à part entière, source de plaisir, mais, malheureusement aussi, symbole de conformité sociale et masque des dominants. Sous le maquillage, plus fortement encore que sans filtres, nous sommes tous les mêmes. Des humains. The colors of our emotions are our true colors (2)(3).

 

Sans maquillage, en acceptant de relever nos masques et en supprimant les filtres pour se regarder, se projeter et se voir tels que nous sommes, sans jugement, alors tomberont les tabous. Nous pourrons nous retrouver, de manières individuelle et collective, pour nous rassembler, notre nous en petits morceaux d’êtres éclatés et notre Nous comme peuple et société en désolidarisation presque achevée. Le maquillage pourra enfin retrouver son sens.

Toutte est dans toutte hein. Pis toutte.

 

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(1) Voici trois lectures complémentaires sur la Pleine conscience, parce que ça peut avoir l’air pas mal plus ésotérique que ça l’est vraiment: sur le site de l’Université Laval puis sur le site de Passeport Santé un dossier et une fiche technique.
(Je vous entend juger, je suis aussi passée par là, mais lisez puis expérimentez si vous vous rendez au-delà de ce préjugé! #pasgame).

(2) True Colors est aussi un test de personnalité que vous connaissez sans doute: vous obtenez une couleur qui correspond à votre type de personnalité et à votre tempérament. Un institut international crédible en a fait un outil de travail, mais vous pouvez aussi faire le test vous-même pour le plaisir,ici en français (Université Moncton) ou ici en anglais, et vous amusez avec cette interprétation.

(3) Selon vôtre âge, voici les deux reprises les plus populaires de la chanson originale True Colors chantée par Cindy Lauper en 1986 et dont l’histoire est fascinante: Phil Collins (2002) et dans le film Trolls (2016). Il y a des dizaines d’autres versions puisque ce classique continuera de traverser les époques.

📷 Photo d’article par rawpixel sur Unsplash

Les gens VS #lesgens

Comme je vous l’ai déjà dit, je célébrais mon anniversaire il y a près d’un mois. (Promis, c’est la dernière fois que j’y fais référence cette année!) Dans les circonstances, le rite n’a pas été trop difficile. La quantité impressionnante de messages reçus et la décharge d’amour qu’ils contenaient m’ont aidée à me frayer un passage à travers cette 36e édition. Les nombreux appels téléphoniques m’ont particulièrement touchée; que voulez-vous, je suis old school à l’os. Je n’ai pas encore pris le temps ni eu la force de tous les retourner, mais ce sera sans conteste fait sous peu. Parce qu’il n’y a rien de plus important que les humains qui nous entourent, et a fortiori ceux qu’on aime: on nous le répète depuis la plus tendre enfance; je le dis moi-même sans cesse et même à mes enfants; je n’avais toutefois pas saisi toute l’ampleur et la profondeur de ce dicton auparavant. Lire la suite

Une berceuse (3) : Pour un instant

Les souvenirs Facebook m’ont gentiment rappelé un des plus beaux jours de ma vie cette semaine : ma rencontre avec Serge Fiori, à l’occasion d’une séance de dédicaces de sa biographie « Serge Fiori : S’enlever du chemin » par Louise Thériault. Je me suis évidemment fait plaisir en rejouant tous les albums, profitant particulièrement du son magnétique et de la jouissance auditive hypnotisante de l’écoute des disques vinyle. J’ai aussi rejoué la rencontre dans mon esprit : comment oublier que, ô combien intimidée par le géant, mon cœur battant la chamade m’a fait débouler sur mes mots; comment, ô combien gênée face à un pilier de mon identité et de celle de mon peuple, je me suis mal exprimée alors que j’avais tant répété ce que je voulais partager…

Harmonium a bercé mon enfance et façonné mon adolescence, construisant l’adulte que je suis devenue. Le message, sa portée, sa spiritualité, sa profondeur; la musique, en paliers, en itérations, en vagues riches à la fois douces et puissantes; la langue, la magie des mots qui se déploient en images et dansent en jeux de langage; l’expérience transcendante grâce à laquelle l’esprit s’élève au-delà de la cinquième saison et du septième ciel, le mantra libérateur qui vibre au son du om universel; l’histoire, les histoires, le tournant historique et son contexte politique : tout est parfait dans cette œuvre. Tout. Parfait, absolu, achevé, complet. Et puis cette voix; si le cristal pouvait chanter, c’est la robe de bal qu’il revêtirait, blanche comme l’éternité. Pour vivre un grand moment de paix intérieure, à la fois bouleversant et apaisant, enfilez un casque d’écoute, asseyez-vous confortablement, montez le volume puis fermez les yeux pour vous laisser transporter par la voix de Fiori sur Lumière de vie ou Comme un sage, pure et vraie.

Au premier jet, j’avais écrit « et fermez les yeux pour vous laisser bercer par la voix de Fiori », comme elle a bercé mon enfance, comme la chanson berce mon fils par l’entremise de ma voix chaque soir. En fait, les deux verbes s’appliquent; les deux émotions si proches se chevauchent, se complètent, se fondent l’une dans l’autre pour n’en former plus qu’une : le bien-être. Celui qu’on ressent et celui qu’on souhaite offrir, cherchant toujours à le préserver et à le faire grandir. De la même manière, la musique et les paroles d’Harmonium touchent au plus profond de nous, individus et collectivité, une corde sensible et intégrale : notre humanité.

C’est spontanément que je me suis mise à chanter Pour un instant à mon PetitRenard à l’aube de sa première année, par une nuit noire de pleurs inconsolables. La chanson est montée de mes tripes, a émergé d’elle-même du plus profond de moi-même, comme s’il était écrit que cet instant se produirait, comme si toute ma vie m’y avait conduit. En l’espace de quelques secondes, l’enfant s’est apaisé.  J’offrais à ma progéniture un instant de paix qui m’envahissait aussi. Surprise et émue, fière mais humble, la mère a pleuré sans retenue, serrant contre elle le fruit de ses entrailles, pour un instant.

Il n’a cessé de réclamer Pour un instant depuis, se délectant chaque fois d’un secret partagé avec sa mère le temps d’une chanson, pour déposer son corps et son esprit dans son lit en préparation de la léthargie. Et puis le soir où, lové contre moi dans la chaise berçante, sans avertissement, le PetitRenard a entonné la berceuse avec moi; le jour où il m’a hurlé de monter le son en reconnaissant à la radio les premières notes de cri de liberté; la fois où j’ai dû rebrousser chemin pour aller chercher le CD à la maison avant un road trip pour faire cesser les cris de protestation.

Comme l’ensemble de l’œuvre d’Harmonium (et plus généralement de Fiori) qui voyage sur une longueur d’onde singulière et inimitable, Pour un instant est une méditation, un message politique, une philosophie de vie; une ode à l’acceptation de soi. L’aviez-vous déjà perçue comme ça? J’aime l’idée que les enfants en saisiront tous les sens à différentes étapes de leurs vies. Alors voici, une berceuse pour le cœur, une berceuse pour l’esprit, un objectif de vie.

Pour un instant

paroles de Serge Fiori, Michel Normandeau
musique de Michel Normandeau

Pour un instant, j’ai oublié mon nom
Ça m’a permis enfin d’écrire cette chanson

Pour un instant, j’ai retourné mon miroir
Ça m’a permis enfin de mieux me voir

Sans m’arrêter, j’ai foncé dans le noir
Pris comme un loup qui n’a plus d’espoir

J’ai perdu mon temps à gagner du temps
J’ai besoin de me trouver une histoire à me conter

Pour un instant, j’ai respiré très fort
Ça m’a permis de visiter mon corps

Des inconnus vivent en roi chez moi
Moi qui avais accepté leurs lois

J’ai perdu mon temps à gagner du temps
J’ai besoin de me trouver une histoire à me conter

Pour un instant, j’ai oublié mon nom
Ça m’a permis enfin d’écrire cette chanson

 

Pour les curieux, voyez ce sourire de fan finie complètement comblée!

 

 

Source de l’image : Briony Marshall, sculpteure

Tout un tabac

J’ai récemment célébré mon anniversaire. Cet écueil m’a fait penser à toi et à l’anniversaire de notre relation. De fil en aiguille, j’ai beaucoup réfléchi. Je t’écris cette lettre parce que c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour te dire ce que j’ai à te dire. C’est très important. Tu t’assieds?

Nous sommes ensemble depuis 20 ans déjà, t’en étais-tu rendu compte? Depuis deux décennies, tu es à mes côtés pour partager mes joies et m’épauler dans les épreuves. C’est plus de la moitié de ma vie! Tu m’as accompagnée dans toutes mes plus grandes décisions et aventures: quitter ma Montréal natale pour réaliser mes études universitaires à Sherbrooke et m’installer dans mon premier appartement, voyager au bout de monde, faire le saut en politique puis prendre la décision d’en sortir, acheter ma première maison, accueillir mes deux magnifiques garçons dans ce monde, le PetitRenard puis le BébéTigre, et alouette! Tu m’as soutenue à travers les ruptures et les séparations, les décès, les blessures et les remises en question, et j’en passe. Lire la suite

L’épuisement professionnel, ou se sentir cassée en mille morceaux

À compter de demain, je n’aurai plus de cellulaire, plus du tout. On pourra me joindre par tous les autres moyens technologiques de l’heure, incluant le téléphone fixe à la maison. Exit les textos et les réponses instantanées!

De deux choses l’une : oui, j’ai encore un téléphone fixe à la maison. Ensuite, la réponse à la question qui vous chicote : je n’ai pas changé de travail. Je suis en arrêt de travail pour épuisement professionnel. Ma tâche principale et essentielle en ce moment est de prendre soin de moi.

Ah! Ça fait du bien de le dire! Ça fait déjà un mois que je suis à la maison, et l’horizon de mon retour au travail n’est en ce moment qu’un vague concept. Je rends donc l’appareil associé à la fonction, le temps de recharger mes propres batteries et de recoller les morceaux de mon petit coeur et de mon esprit. Il y a trois semaines, je n’aurais jamais pu envisager d’écrire, encore moins de publier, ceci. Une chose est constance chez moi toutefois : je continue de m’assumer. J’ai encore honte de m’être rendue si bas, de n’avoir pas pu prévenir cela, mais je n’ai pas honte de dire que ça m’est arrivé.

Je préfère de loin l’expression « épuisement professionnel » en français à son équivalent anglais « burnout »; je trouve que ça rend davantage justice à la réalité du phénomène. Le très inadéquat diagnostic de « trouble d’adaptation » reconnu médicalement par l’Organisation mondiale de la santé donne l’impression que la victime est la seule responsable de son sort alors qu’il est admis que les causes environnementales sont aussi au coeur des causes de ce grand mal du 21e siècle.

Je suis extrêmement chanceuse d’être aussi bien entourée. D’être relativement bien connectée sur mes émotions. D’avoir appris à poser mes limites, même si cette fois-ci je les ai clairement dépassées. Parce que grâce à tout ça, j’ai peut-être frôlé la dépression, mais j’ai su voir tous les drapeaux rouges levés sur mon chemin pour éviter de me confronter à cet ardu dessein.

Il y a des journées horribles, où je reste roulée en boule dans le fond de mon lit. Il y a des meilleures journées, où je réussis à prendre plaisir à cuisiner, à marcher, à m’occuper de mes enfants toute seule. Entre les deux, il y a le difficile laisser-aller, la culpabilité de me sentir un fardeau pour mon mari et mes proches, le défi de paraître tenir le coup pour mes enfants. Au quotidien, il y a la confiance minée, la compétence remise en doute, l’incapacité à envisager l’avenir et même à profiter de ce premier véritable temps d’arrêt depuis mon entrée sur le marché du travail voilà 20 ans ; il y a aussi la peur de l’inconnu, la peur d’être jugée, les convictions profondes ébranlées, la connaissance de soi questionnée.

Il n’y a pas de place pour la pitié ici. La compassion, l’empathie et le respect sont les sentiments que je cherche à nourrir moi-même et envers moi-même. Si je suis encore prise dans le tourbillon de la situation et que je me sens encore dépassée, je ne peux qu’avoir confiance qu’il s’agisse d’une bénédiction déguisée. Si je ne vois pas de lumière au bout du tunnel, je sais que cette noirceur ne sera pas éternelle. En fait, très honnêtement, je suis brisée – les jambes sciées, le coeur émietté, l’esprit explosé. J’ai besoin de temps pour me réparer et recoller tous mes morceaux, pour me retrouver. Je vais commencer par laisser tomber toute cette poussière d’éclats de moi, puis m’y retrouver. Et me relever. Le reste viendra en temps et lieu.

Je vous laisse avec une lecture fort éclairante au sujet de l’épuisement professionnel et cette définition élaborée en 1985, par Freudenberger et North :

« [L’épuisement professionnel] est un affaiblissement et une usure de l’énergie vitale provoqués par des exigences excessives qu’on s’impose ou qui sont imposées de l’extérieur: famille, travail, amis, relation amoureuse, système de valeurs ou société, qui minent nos forces, nos mécanismes de défense et nos ressources. C’est un état émotif qui s’accompagne d’une surcharge de stress et en vient à influencer notre motivation, nos attitudes et notre comportement. »

Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, plus de 25 % des travailleurs québécois subissent un haut niveau de stress chaque jour. Qui plus est, 40 % des réclamations pour incapacité au travail sont liées à un problème de santé mentale (source). Enfin, j’ai été surprise de découvrir la quantité de textes sur le sujet, au hasard de recherches, sur le Huffington Post. Ça vaut le détour.

Peace out. Pis toutte.

 

(Source de l’image: Technologia.fr)